Le patrimoine sensoriel rural n’exclut pas le trouble de voisinage

D’aucuns auraient pu s’attendre à ce que l’introduction dans le Code de l’Environnement du patrimoine sensoriel des campagnes françaises interdise définitivement tout recours contre les nuisances sonores et olfactives d’une exploitation agricole.

Récemment, la Cour d’Appel d’Amiens en a pourtant jugé autrement, considérant que malgré la protection de ce patrimoine, un exploitant agricole pouvait causer un trouble anormal du voisinage (CA Amiens, 8 mars 2022, EARL V).

Si l’affaire s’est terminée par la condamnation (sévère) de l’éleveur, soulignons toutefois que les circonstances étaient très particulières.

Initialement, son cheptel était de petite taille. Le voisinage, constitué d’habitations installées en zone UA du PLU, c’est-à-dire une zone urbaine mixte, n’avait apparement rien à reprocher à l’agriculteur.

Puis le troupeau est monté à 250 têtes, ce qui a nécessité la construction de deux bâtiments agricoles supplémentaires, installés à proximité d’habitations.

Ces modifications de l’exploitation ont induit des nuisances sonores et olfactives et une invasion d’insectes que les juges ont considérées comme étant nettement supérieur à ce qui pouvait être admis pour des résidents en zone rurale. D’où la condamnation de l’éleveur.

Que retenir en pratique?

Avant de faire évoluer une exploitation agricole, les nuisances pour le voisinage doivent être anticipées, et ce indépendamment de l’obtention régulière des permis, autorisations et / ou récépissés de déclaration. Le patrimoine sensoriel rural ne constitue en effet pas une protection absolue.